La dentelle à l'aiguille naît en Italie. A Venise, on innove la technique d'un travail entièrement produit à l’aide d’une aiguille et d’un fil (de lin, soie, or ou argent), sans l'appui d'un tissu préalable comme l'était jusqu'ici la broderie. Les motifs sont unis par des barrettes jetées sans symétrie.
A la demande de Louis XIV, Colbert crée plusieurs bureaux de manufacture dont un à Argentan. Il y installe des ouvrières vénitiennes. Leur savoir-faire est vite transmis et les dentellières françaises perfectionnent peu à peu leur art : le caractère des dessins devient de plus en plus régulier, équilibré. Les motifs sont reliés par des mailles hexagonales, assez grandes et picotées : le Point de France est né à Argentan en 1671.
C'est l'âge d'or de la dentelle. Elle orne les vêtements (jabots, manchettes, coiffes, rochets…) mais aussi le mobilier et les objets liturgiques. On compte 1200 ouvrières à Argentan où existent 4 manufactures royales et une demi-douzaine de manufactures particulières.
La Révolution vient ruiner l'industrie dentellière en France.
Sous l'Empire et la Restauration, quelques efforts sont tentés pour la faire revivre, mais à Argentan, à la mort du dernier fabricant en 1830, elle cesse totalement.
Le Point d'Argentan se caractérise par une maille hexagonale, de taille moyenne, festonnée, non picotée. La maille toujours hexagonale mais très fine, cordonnée, à l'aspect de Tulle, devient le Point d'Alençon.
En 1873, le maire d’Argentan et le sous-préfet font appel à M. Ernest Lefébure, grand dentellier de France, qui fait venir de son atelier de Bayeux, Mlle Hamel, sa meilleure ouvrière, et lui confie le soin de retrouver le secret de la technique du Point d’Argentan.
Elle y parvient avec succès, grâce à quelques parchemins et pièces de dentelle retrouvés dans les greniers de l'Hospice.
Le 22 janvier 1874, une école dentellière est alors créée, à la demande du maire d’Argentan, dans les locaux de l’orphelinat tenu par les bénédictines.
Moniales, dentellières de la ville, orphelines se mettent à l'ouvrage. 5 années plus tard, elle sont déjà 80. La fabrication du Point d'Argentan prend un nouvel essor et reçoit plusieurs distinctions : médailles de bronze à l'Exposition de Paris en 1878, médailles d'argent en 1889.
L'Ecole dentellière participe à l'Exposition Universelle de 1900, où elle reçoit une médaille d’or, à celle des Arts Décoratifs en 1925, et à l'Exposition Internationale de 1937.
Les bombardements de 1944 n'épargnent ni l'Abbaye ni l'atelier mais les bénédictines, réfugiées à Sées, poursuivent leur activité. Six d'entre elles reçoivent en 1952 la médaille des « Meilleurs Ouvriers de France ».
En 1958, au retour dans le monastère reconstruit, il n'est plus possible d'ouvrir de nouveau une école dentellière. Seules les bénédictines continuent le Point d'Argentan. Elles ne confectionnent plus de parures de vêtements mais des pièces de collection, parfois à usage liturgique. En 1996, elles offrent une pale au Pape Jean-Paul II pour son jubilé d’or sacerdotal.
La tradition se poursuit. Ce labeur qui nécessite beaucoup de temps et de minutie n'est plus un métier mais un art qui s'harmonise parfaitement avec le climat de silence et de contemplation de la vie bénédictine.
Cette dentelle très fine se fait à l’aide d’une aiguille et d’un fil de lin.
Le travail passe successivement dans les mains de 4 à 5 ouvrières, spécialisées dans la confection de chacune de ses parties.
- Le dessin étant étudié avec soin, piqué ensuite sur un morceau de parchemin fixé sur une grosse toile, la traceuse établit les contours, en lançant les fils qui servent de support à l'ouvrage.
- Puis se fait le réseau, aux mailles régulières et festonnées (spécificité d’Argentan).
- Une autre dentellière remplit alors de gaze l'intérieur des feuilles, des fleurs... Travail léger, varié, très long, qui doit reproduire les ombres mêmes du dessin.
- Les jours apparaissent ensuite sous des doigts particulièrement habiles, qui enrichissent d'une variété de petites ou grandes étoiles, de barrettes ou d'œillets, les fleurs ou les rubans, et les espaces vides, calculés à dessein.
- Le feston, enfin, reprend toutes les lignes du dessin primitif et donne du relief à l'ouvrage. Sur les bords du motif, il peut s'orner d'un picot.
- Il ne reste qu'à détacher le morceau de son parchemin et à procéder au finissage.
On a alors en mains, élaborée suivant la plus pure tradition, une œuvre aux qualités bien françaises d'habileté, de patience et de goût.
De début avril à mi-octobre, la mairie ouvre la "Maison des dentelles" qui, tout en retraçant le passé dentellier d'Argentan, laisse découvrir une riche collection de pièces uniques présentées avec soin. Chaque année, une exposition thématique temporaire est proposée.
Une vidéo peut être visionnée et de belles pièces de collection peuvent être admirées par les visiteurs. On peut également demander une démonstration des phases de la fabrication tous les jours sauf dimanche et fêtes de 14h30 à 16h (sur demande préalable pour les groupes).